¤ Année 2006 ¤
Un Ange Entre Deux Mondes
AOL : Ton premier single "Gabriel" a fait un véritable carton. Il n'a pas quitté le peloton de tête des ventes de singles depuis sa sortie en novembre dernier. T'attendais-tu à un tel accueil ?
Najoua B : Sincèrement, non. Quand "Gabriel" est sorti, on le présentait plus comme le titre phare de l'album, pour présenter une nouvelle artiste. En fait, on va dire que c'était plutôt le messager de l'album. Je ne m'attendais pas du tout à ça. Dans un second temps, c'est mon premier single, en tout cas toute seule, où j'écris, où c'est mon univers, mes textes. Je ne connaissais pas du tout la manière dont ça pouvait fonctionner : les radios, les télés, les clips etc... C'était vraiment une première pour tout. On va dire que j'étais vierge de tout ça. Du coup, j'ai gardé le maximum de naïveté et d'inconscience pour ne pas tout de suite tomber dans les chiffres et tout ce qui est tactique. Maintenant que je suis depuis 6 mois dans le top avec ma chanson, je commence à connaître davantage ce que ça peut faire, comment et pourquoi. En tout cas, je suis très heureuse du parcours de "Gabriel". Je reste tout à fait terre à terre et je me dis que les gens ont reçu le message, ils ont été touchés par la chanson. Mais, je ne connais pas la recette miracle.
AOL : Tu viens de sortir ton premier album, "Entre deux mondes, en équilibre". N'as-tu pas un peu la pression ?
Najoua B : Justement, j'ai les boules, mais par rapport à "Gabriel". "Gabriel" c'est une chose, c'était le premier titre. Par rapport à l'album, c'est une autre pression, parce que je me dis que j'ai vraiment travaillé dur pour cet album. J'ai travaillé dessus comme si c'était le premier et le dernier, du coup, j'ai mis toutes mes vérités dedans. Je me dis "Oh mon dieu, aujourd'hui il est accessible à tout le monde, n'importe qui peut l'avoir sur sa table de chevet ou sur sa chaîne hi fi". D'être dispersée comme ça, c'est un peu étrange. Je me dis qu'il y a un bout de moi chez plusieurs personnes. C'est assez flippant parce qu'on ne sait jamais ce que les gens vont retenir de ce qui a été écrit.
AOL : Ton premier morceau "Gabriel" a un petit côté mi-ange, mi-démon. Cela te plait de jouer ainsi sur l'ambiguïté ?
Najoua B : Je pense qu'en tant qu'être humain, nous sommes tous un petit peu comme ça. Si mon album s'appelle "Entre deux mondes, en équilibre", c'est parce que je parle du bien et du mal et des forces entre le bien et le mal. Je crois beaucoup à ça et j'espère que le bien va l'emporter sur le mal. "Gabriel" parle surtout d'amour pur, de l'amour universel. L'amour pur pour moi, c'est l'amour sans sexe, asexué. C'est pour ça que ça parle d'un ange. Dans l'amour sans sexe, pour moi, il y avait la bisexualité. C'est dans l'air du temps. Je lis les magasines, je regarde les reportages à la télévision et je trouve qu'il y a eu une ouverture, une sorte de révolution sexuelle, encore plus forte ces 5 dernières années. Il y a beaucoup de gens qui sont bisexuels, qui le disent ou qui ne le disent pas. "Gabriel" parle de ça. C'est un sujet assez actuel. En même temps, "Gabriel" parle de la profession de foi. Je trouve que les gens autour de moi se posent de plus en plus de questions et, du coup, les rapportent directement à Dieu. Ils se demandent s'il y a vraiment un Dieu ou s'il n'y en a pas. C'est une sorte de soulèvement de conscience ou d'inconscience. C'était important pour moi de parler de ça. Après, c'est vrai que c'est ambigu, mais les deux sujets sont vrais.
AOL : On te compare souvent à Mylène Farmer. Est-ce une comparaison qui te flatte ou qui t'agace ?
Najoua B : Je sais quoi en penser, mais je ne sais pas comment l'exprimer. Au départ, ça m'a beaucoup surprise. Je demande souvent aux journalistes pourquoi ils font cette comparaison. Ils me répondent souvent que c'est parce que j'ai tourné le clip dans la même abbaye qu'elle. Je leur réponds qu'Hélène Ségara et MC Solaar ont également tourné dans cette abbaye. Ca me flatte beaucoup, parce que je me dis qu'il vaut mieux être comparée à Mylène Farmer qu'à autre chose. Mais, en même temps, Mylène Farmer est une grande et moi je suis une petite fourmi à côté d'elle. Je n'ai rien fait, je ne fais que commencer. D'un côté ça a aussi des inconvénients parce qu'on a l'impression que l'on n'est rien du tout et qu'on est une pâle copie. Après, pour ce qui est de l'agacement ou de la flatterie, ça me flatte, mais en même temps, ça m'agace, parce que j'ai ma propre personnalité, j'ai mes propres mots, j'ai des choses à dire. Je n'ai pas envie d'être le clone de Mylène Farmer ou de X ou Y. C'est vrai que c'est difficile. En tout cas, mon album est sorti, les gens qui l'écouteront verront qu'il y a énormément de différences et que ça n'a rien à voir. Mais, j'aime beaucoup Mylène Farmer et c'est une artiste que je respecte énormément.
AOL : A entendre certains des titres de ton disque, on a l'impression que tu as une vision un peu torturée de l'amour. Est-ce vraiment le cas ?
Najoua B : Ce n'est pas que j'ai une vision torturée de l'amour. La vision du monde que j'ai est réaliste, mais aussi idéaliste. Je joue sur ces deux choses là. C'est aussi pour ça que mon album s'appelle "Entre deux mondes, en équilibre". On a une vérité, une réalité sous les yeux quotidiennement et en même temps, j'ai un idéal, un rêve de gamine. On rêve toujours de paix, d'amour et de choses comme ça. Je tends à être meilleure, bonne, sage et malheureusement, dans le monde dans lequel on vit, on est tenté par plein de choses. Le mensonge et la misère nous entourent. Quand je regarde le journal à la télévision, je suis en dépression. Sinon, pour en revenir sur l'amour dans mon album, par exemple dans le titre "L'Echo du bonheur", je fais une déclaration d'amour à quelqu'un que j'idéalise. Après, pour ce qui est de la chanson "Comme toi", elle me renvoie à moi-même. Je me regarde dans le miroir, je revois et je rejette tous les mauvais gestes que j'ai faits. En fait, je me bats contre moi-même. Dans mon album, tout tourne autour de l'amour, mais ce n'est pas l'amour d'un couple. Ca va plus loin. C'est un amour céleste, divin, universel. Mon album traite plus du genre humain, de ses forces et de ses faiblesses, de ses qualités et de ses défauts. On m'a dit que mes textes étaient assez sombres. Je ne trouve pas qu'ils soient si sombres que ça, car je laisse toujours dans mes textes, une sorte d'ouverture et d'espoir.
AOL : Le morceau "Rentrez aux USA" parle de la guerre. C'est un message de paix que tu voulais faire passer ? Un appel au secours ?
Najoua B : C'est un peu des deux. Disons que c'est une sorte de SOS. En fait, comme la plupart des jeunes filles de mon âge, je n'ai pas vécu de guerres. Je les ai étudiées à l'école. La première et la seconde guerre mondiale, on les a étudiées à l'école. La guerre du Golfe, j'avais 10 ans, donc je ne m'en rappelle pas. Et, là, on est en 2003, on voit des soldats américains et anglais qui vont dans un pays. On ne comprend pas tout. On nous parle de pétrole, après on nous parle d'armes cachées et de plein de choses comme ça. Je regardais ça et je n'arrêtais pas de pleurer. On nous a montré des images assez violentes. Ca m'a vraiment fait mal dans ma chair, parce que je me disais que nous sommes des êtres humains, que nous vivons sur la même terre, que nous sommes censés avancer tous ensemble et pourtant il se passe encore des choses comme ça. En fait, cette chanson est un message de paix. Ce n'est pas du tout anti-américain, bien au contraire. J'ai de la mémoire, comme tout le monde, je me souviens que les américains nous ont sauvés en 44. Mais, je voyais des gamins à qui il manquait un bras ou une jambe et je pensais à ces soldats qui allaient mourir. C'est une chanson humaine qui dit "Pensez qu'il va y avoir des morts, pensez aussi à l'amour". C'est un hymne à la paix, et en même temps un coup de gueule.
AOL : Tu as sorti ton single "Gabriel" en Allemagne. Envisages-tu une carrière internationale ?
Najoua B : Si on m'appelle de l'autre côté, j'y vais, ça c'est sûr. Je ne fais pas de la musique uniquement pour la France. Je fais de la musique pour ceux qui aiment la musique. C'est vrai que je suis assez surprise de cette effervescence. En Belgique j'ai été deux ou trois fois numéro 1. En Suisse, mon single est allé jusqu'à la 20ème ou 15ème place. Je suis allée trois fois en Allemagne en un mois pour ma promotion. C'est impressionnant de rencontrer des gens qui ne parlent pas du tout la langue française et de voir dans leurs yeux qu'ils aiment. En Russie, la chanson passe beaucoup à la radio. Au Canada pareil. C'est vrai que ce n'est pas un but que je me suis fixé, mais s'il y a des ouvertures, évidemment, je vais y aller.
AOL : Envisages-tu de chanter en anglais ?
Najoua B :C'est prévu. D'ailleurs c'est la première fois que je le dis en interview ! Les cours d'anglais sont prévus pour cet été, parce que je sais parler anglais, mais que j'ai un peu perdu.